Un enfant tué par un véhicule de police à Anvers : jusqu’où va le droit à l’urgence ?
🕯️ Une tragédie qui interroge
Le mercredi 18 juin 2025, un drame bouleverse la ville d’Anvers : un enfant de 9 ans est mortellement percuté par un véhicule de police en intervention urgente, à proximité d’une école sur la Provinciestraat.
Le véhicule circulait avec gyrophare et sirène activés, dans le cadre d’une mission prioritaire. Le policier au volant, âgé de 25 ans, a immédiatement été soumis à un contrôle d’alcool et de stupéfiants (négatif) et une enquête a été confiée au Comité P, assisté d’un expert en circulation.
Au-delà de l’émotion, cet accident soulève une question de droit essentielle : quelles sont les limites juridiques du droit à l’urgence ?
🚨 Véhicules prioritaires : que dit le Code de la route belge ?
En droit belge, les véhicules prioritaires (police, pompiers, ambulances, inspection de la circulation, etc.) sont encadrés par l’article 37 du Code de la route. Pour bénéficier de ce statut, deux conditions doivent être cumulativement réunies :
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Le véhicule doit appartenir à un service reconnu comme prioritaire.
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Il doit circuler avec le gyrophare bleu clignotant et la sirène deux-tons activés simultanément.
⚠️ L’un sans l’autre ne suffit pas. Un véhicule de police roulant sans sirène ou sans gyrophare ne bénéficie d’aucune priorité spéciale.
🛑 Une priorité sous conditions : droits exceptionnels mais limités
Lorsqu’un véhicule prioritaire est correctement signalé, il peut :
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Franchir un feu rouge,
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Excéder les limitations de vitesse,
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Circuler à contresens ou dans des zones interdites.
Mais ces libertés ne sont pas absolues. Le conducteur est tenu par l’article 37.4, qui précise que ces dispenses ne s’appliquent que dans la mesure où elles ne mettent pas les autres usagers en danger inutile.
Il s’agit donc d’un droit d’exception, conditionné par une obligation de prudence renforcée.
👶 L’enfant, la rue, la loi : le cas d’Anvers
Dans le cas de l’accident survenu à Anvers :
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Le véhicule était bien prioritaire (gyrophare + sirène),
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Il circulait dans une zone sensible, à proximité d’une école, en matinée, sur un axe fréquenté,
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L’enfant, à vélo, aurait été heurté près d’un passage piéton.
La jurisprudence est constante : même en urgence, la vigilance du conducteur reste engagée, notamment face aux usagers vulnérables (enfants, cyclistes, personnes âgées).
Un excès de vitesse ou un défaut d’anticipation peut constituer une faute, même si le véhicule était prioritaire.
L’enquête du Comité P et l’analyse de l’expert désigné devront établir si la vitesse, la distance de freinage, la visibilité, ou un éventuel défaut de réaction ont joué un rôle causal.
⚖️ Que risque le conducteur ? Quelle responsabilité ?
Le droit distingue deux niveaux de responsabilité :
➤ Responsabilité civile
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L’État belge (employeur du policier) peut être tenu pour responsable sur base de l’article 1384, al. 3 du Code civil.
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Un recours peut toutefois être exercé contre l’agent, s’il a commis une faute personnelle détachable du service (imprudence grave, négligence manifeste).
➤ Responsabilité pénale
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En cas de homicide involontaire par imprudence (articles 418 et suivants du Code pénal), l’agent pourrait faire l’objet de poursuites pénales.
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Une expertise en accidentologie est décisive : vitesse, réaction, freinage, trajectoire.
📚 Une formation insuffisante des conducteurs ?
Dans la foulée du drame, plusieurs voix se sont élevées pour dénoncer le manque de formation pratique des policiers à la conduite en urgence.
Selon Anthony Turra (syndicat CSC Police), « seuls quelques policiers sont vraiment entraînés à conduire en conditions extrêmes ». Pourtant, le Code de la route donne des pouvoirs larges aux conducteurs en intervention, sans exiger de formation spécifique ou de simulation réelle.
C’est un vide réglementaire, potentiellement dramatique.
🔄 Vers une réforme nécessaire ?
Ce drame met en lumière plusieurs besoins urgents :
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Renforcer la formation des conducteurs de véhicules prioritaires, avec des entraînements en conditions réelles, dès l’école de police.
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Clarifier juridiquement les zones à haut risque (écoles, passages piétons, zones résidentielles).
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Établir un protocole national de conduite en intervention urgente, avec des seuils clairs (vitesse maximale, zones à éviter).
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Faciliter l’indemnisation des familles, dans un cadre humain et rapide.
🧩 Conclusion : urgence, mais jamais au prix de la vie
Le droit à l’urgence existe, mais il n’efface pas le devoir de prudence. La loi belge est fondée sur un équilibre délicat : sauver des vies, sans en sacrifier d’autres. Lorsqu’un enfant meurt dans le cadre d’une intervention censée protéger, ce sont toutes les garanties juridiques et humaines qui doivent être questionnées.
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